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Monsieur «Paulo» Côté se dit choyé par la vie, à 81 ans!

Par Jean-Claude Leclerc, blogue «Muffin et Café»

Lorsque j’ai pris contact par téléphone avec «Monsieur Paul» – permettez-moi de l’appeler par son prénom – je croyais sincèrement m’être trompé de chambre. En entendant sa voix rassurante, c’est comme si nous étions déjà allés aux bleuets ensemble. «Monsieur Paul», c’est M. Paul Côté, un nouveau résident de la Résidence Seigneur-Lepage, son nouveau milieu de vie depuis la mi-décembre. Il s’agit de ma deuxième rencontre d’une série de huit. J’ai le bonheur de m’entretenir avec des femmes et des hommes autonomes qui me confient quelques-unes de leurs plus belles tranches de vie. Comme la semaine dernière avec Mme Saint-Onge, une dame de 93 ans qui en avait long à raconter.

Comme la période du vendredi après-midi, pour les résidentes et résidents, est généralement réservée pour les courses et le magasinage au Carrefour Rimouski, en utilisant le minibus de l’établissement, Monsieur Paul et moi avions convenu de nous rencontrer aux Terrasses du Carrefour, où il m’a généreusement raconté quelques étapes de son parcours.

D’abord, il ne fait définitivement pas son âge à 81 ans. Je lui aurais facilement retranché quelques années. Volubile, on ne s’ennuie pas avec lui, si bien que les deux heures passées en sa compagnie m’en ont semblé que la moitié tout au plus.

Issu d’une famille de 12 enfants dont 8 garçons, Monsieur Paul a entrepris la discussion en me parlant de son père, Léo, débosseleur de son métier. «Un homme vaillant pour qui la famille était importante. Mais comme je n’aimais pas trop l’école, raconte «Paulo», mon père m’a poussé jeune vers le marché du travail. J’ai abandonné mes études en 7e année, mais par l’entremise d’un ami de mon père, j’ai déniché un premier emploi sur la Côte-Nord, à Baie-Comeau, comme… laveur de vaisselle!». Petite anecdote : c’est à bord du navire Père Nouvel que notre ami Paul s’était rendu sur l’autre rive.

À défaut d’avoir passé des années sur les bancs d’école, Monsieur Paul était du type débrouillard, fonceur et qui n’avait peur de rien. Il se retrouva donc très jeune sur le marché du travail. «Je gagnais 50$ par semaine et à l’époque, j’en envoyais 40$ à ma mère pour aider la famille.»

Mais vous aurez bien deviné qu’il n’entendait pas laver la vaisselle éternellement. «Non, dit-il en riant, j’ai changé la vaisselle pour les chaudrons avec l’idée d’apprendre à cuisiner et je me suis retrouvé troisième cuisinier au Manoir de Baie-Comeau, affecté aux déjeuners.» Ne voulant surtout pas s’arrêter là, il devint chef cuisinier dans plusieurs établissements de la Rive-Nord jusqu’au jour où il décida qu’il en avait assez et qu’il en était rendu à vouloir goûter autre chose. Du côté de la grande ville par exemple! Dans quel domaine? «Pas d’importance, dit-il. J’avais besoin de changement, simplement!»

M. Côté m’a mentionné à plusieurs reprises, dans notre discussion, qu’il avait un tempérament à n’avoir peur de rien. C’était dans sa nature. Le genre à prendre ça comme ça vient. Ne surtout pas s’en faire avec la vie. Il était jeune et de type «globetrotteur»!

Un exemple qu’il n’avait peur de rien, même pour ses finances personnelles: l’achat de sa première voiture neuve, une Rambler 1963. «À Montréal, sans vraiment avoir d’idées en tête, j’ai trouvé un emploi comme apprenti électricien, poste que j’ai occupé durant quelques années. Comme les contrats se faisaient rares, j’ai pris la décision de quitter Montréal pour Toronto à bord d’un train avec la somme de 12,50$ en poche. Arrivé à destination, je n’avais même pas assez d’argent pour me payer une chambre». C’est dans l’inconfort d’un banc du centre-ville, plus animé qu’à Rimouski, qu’il a vécu sa première nuit dans la Ville Reine.

«Le lendemain, poursuit-il, j’ai entendu des gens s’exprimer en français autour de moi. V’là ma chance! On parle la même langue que moi. Pour finalement apprendre que l’on cherchait de la main-d’œuvre dans le domaine de la construction. Je me suis donc retrouvé monteur charpentier d’acier. Durant mon séjour à Toronto, j’ai gagné jusqu’à 3,50$ de l’heure. Là-bas, tu dois assurer ta propre sécurité. Mais comme il n’arrive jamais rien pour rien dans la vie, j’ai eu l’opportunité de revenir à Montréal en 1975, cette fois comme travailleur sur le projet du Stade olympique. J’ai sauté sur l’occasion. J’ai fait des journées de 12 heures par jour, de 7h à 19h.»

Rien n’arrête Monsieur Paul. Après le Stade olympique, il s’est retrouvé assembleur de pièces de bateau et de sous-marin pour la compagnie Vickers, où il était affecté à diverses tâches. Il a quitté ce poste par la suite avec sa conjointe de l’époque pour Sainte-Madeleine, en 1977, vivant une nouvelle expérience professionnelle en conciergerie. Les années suivantes ont cependant été plus difficiles puisqu’il a fait une grosse dépression. À 54 ans, il a décidé de revenir dans la région, à Saint-Valérien, alors qu’on lui avait diagnostiqué un vertige positionnel bénin.

La vie a fait en sorte qu’il s’est retrouvé seul, après 14 années en couple et cette fois, l’homme qui n’avait peur de rien a été confronté à une autre sorte de peur, celle de s’ennuyer. Le 9 septembre dernier, il décidait de vendre son véhicule avant de résilier son permis de conduire en décembre dernier. «À mon âge, j’ai jugé que j’en étais rendu à une autre étape», dit-il, serein avec sa décision.

De là est venue l’idée d’aller vivre en résidence, en recevant tous les services: le lavage de ses vêtements, l’entretien de sa chambre, les repas, les activités, la vie sociale. «Bref, j’ai opté pour la Résidence Seigneur-Lepage et jusqu’à maintenant, j’y suis très bien, je suis heureux de ma décision et je me sens en sécurité. Je demeure au centre-ville où je peux marcher, aller sur la Promenade et j’ai accès à tous les services dont j’ai besoin. Jusqu’ici, la vie a été bonne pour moi et Dieu m’a donné la santé. Ici, à la Résidence, je rencontre des gens merveilleux et je ne peux pas en demander plus.». Il se dit tellement heureux que bientôt, l’une de ses sœurs ira à son tour habiter à la Résidence Seigneur-Lepage.

Souvent, faire son propre bonheur, c’est d’abord une question d’attitude. Mes salutations distinguées, monsieur Paul, et merci pour cette belle rencontre.